On sait que les scientifiques avancent avec ce qu’ils savent, ce qu’ils ont prouvé ; mais certains affirment qu’ils avancent encore plus dans leurs recherches grâce à ce qu’ils ne savent pas… Un paradoxe ?

Écoutez Yolaine de la Bigne derrière le micro de Sud Radio ! Retrouvez-la chaque matin à 6h10 et 7h22 du lundi au vendredi, dans « Quelle époque éthique », une chronique à télécharger :
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Oui, un paradoxe, bien sûr. Mais, même nous, profanes, on peut comprendre cette non-affirmation : si l’on ne sait pas, alors on cherche et plus on cherche ce que l’on ne sait pas ni ne comprend, plus on avance, plus on cherche, et forcément plus on a de chance de trouver même ce que l’on ne cherchait pas, vous me suivez ? La science a mûri. Aujourd’hui, elle connait ses outils et il lui est plus facile de distinguer ce qui relève d’une difficulté technique provisoire et ce qui relève d’une impossibilité démontrée. C’est-à-dire de faire la part entre ce qui nous parait difficile de savoir et ce que nous savons que nous ne saurons pas ! La nuance est subtile et se résume dans cette question : que savent vraiment les scientifiques de ce qu’ils ignorent ? « La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien » disait Socrate.
Et les scientifiques sont prêts à adopter cette maxime ?
Pas tous, évidemment. Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien et essayiste, confie à Science et Vie : « Ils ne se sentent pas très à l’aise face à cette question« . Leur travail est devenu si exigeant, la nécessité de publier si impérative que les jeunes chercheurs n’ont pas vraiment le temps de se poser ce genre de problèmes. « L’une des choses que les scientifiques, et les physiciens en particulier ne savent pas c’est que faire de leur ignorance » renchérit le Pr Lévy-Leblond. Pourtant, l’humilité est un acte de foi pas si rare dans le milieu. Dans un ouvrage publié en 2012, le neurobiologiste Stuart Firestein, professeur à l’université de Columbia décrit en quoi l’ignorance et non le savoir constitue le véritable carburant de la science. « Les questions sont plus importantes et plus vastes que les réponses, martèle-t-il, une bonne question peut donner lieu à une superposition de réponses, inspirer des recherches (…) générer de nouvelles (…) façons de penser. Les réponses en revanche mettent un terme au processus » En clair, (précise Science et Vie), la science n’aurait pas pour fonction d’accroître notre savoir mais de nous révéler à quel point notre ignorance est immense… Oui nous en avons la preuve en ce moment face au déclin de l’environnement par exemple.